Un jour, je croise dans la rue un funambule qui marchait en équilibre...
sur le bord du trottoir.
Il prenait de sacrés risques ! penché en avant, en arrière...
comme je le regardais un peu étonné, il s’arrête, il me dit :
- excusez-moi, j’ai perdu le fil !
- le fil ? de fer ?
- non, mon numéro, j’peux le faire, sans fil.
non... le fil de mes pensées...
ça d’vait arriver, n’est-ce pas, on ne tient qu’à un fil !
au début, ça allait tout seul. un vrai boul’vard, cousu d’ fil blanc.
au début, je veux dire aux origines, quand tout a commencé ...
une liane, une épine...
au fond, un fil, une aiguille... une peau de bête.
et voilà notre homme, presque habillé, déjà séducteur.
et puis des idées !
un fil, une branche ... une canne à pêche !
un fil, une branche … un arc à flèche !
et d’fil en aiguille,
le fil à couper l’beurre, le fil à plomb,
le fil à la patte... le chef de file !
là, il a commençé à filer du mauvais coton !
c’est là que j’l’ai perdu, d’ailleurs, au coin d’la rue, filé, à l’anglaise ! le filou !
je m’suis retrouvé tout nu, tout seul, comme les hirondelles,
vous savez, quand on a tout enterré,
les fils électriques, les fils du téléphone.
perché sur mon réverbère,
à essayer d’y voir clair…
Mais bon sang d’bon sang ! Qui peut bien tirer les fils dans toute cette affaire?Vous n’imaginez pas, monsieur, tout ce qu’on peut faire avec un fil !
le fil du temps, omniprésent,
le fil de l’eau, le plus tranquille,
le fil du bois, sensuel,
le fil du rasoir, dangereux,
le fil d’argent dans les cheveux,
le fil d’ariane, et ses mystères,
le fil à r’tordre... et ses problèmes
et puis le plus beau, le plus magique,
le fil rouge, monsieur, le fil rouge...
Rien à voir avec le tapis, non, le fil rouge!
Celui qui nous emmène d’un univers à l’autre...
sans fil et sans filet ... le fil rouge !